Macbeth et Le Rideau rouge d’André Barsacq (1952) :
phénomènes de porosité sonore [1]
Patricia Dorval
1 Le Rideau rouge, réalisé par André Barsacq en 1952, d’après un scénario écrit en collaboration avec Jean Anouilh, explore la thématique combien fascinante de la mise en abyme. L’intrigue porte sur une troupe d’acteurs parisiens mettant en scène la tragédie shakespearienne, Macbeth. Si ce type d’insertion n’est pas rare sur les écrans [2], Le Rideau rouge soumet à une investigation sans précédent les arcanes métadramatiques/métafilmiques non pas précisément de la pièce dans la pièce ou du film dans le film mais ici de la pièce (filmée) dans le film. Ce faisant, le réalisateur œuvre avec une grande ingéniosité à prospecter les phénomènes de perméabilité entre les deux fictions. La technique adoptée par Barsacq est fascinante, complexe, subtile mais aussi protéiforme. L’élément métadramatique/métafilmique (la pièce [en l’occurrence filmée] dans le film) aurait pu s’insérer de façon autonome et parfaitement hermétique dans l’élément premier. Alternativement, on aurait pu aussi assister à des fragments perlés de la pièce à différents moments avec retour dans les intervalles au niveau un de l’intrigue (pratique du montage alterné). Les deux éléments seraient alors restés parfaitement cloisonnés, se répondant seulement par un jeu d’échos structurels. Barsacq va beaucoup plus loin en les fusionnant à maintes reprises ; il fait rejaillir le « texte » intradiégétique (au sens large de « texte » [3]) sur le texte premier si bien qu’il semble littéralement sourdre, remonter des abîmes/abymes intradiégétiques et imprégner le texte un. Ce sont des phénomènes visuels, voire simultanément visuels et acoustiques. Néanmoins, étant donné le foisonnement de procédés par lesquels le réalisateur fait communiquer les deux fictions, j’ai choisi de ne prospecter ici que les jeux purement acoustiques, qui me semblent hors du commun. Par ce reflux, l’œuvre en abyme va venir investir et infléchir le cours de l’œuvre qui l’encadre, et celle-ci va finir à son tour par interférer avec la fiction théâtrale interne.
2 Je rappellerai tout d’abord brièvement l’intrigue afin de recontextualiser les phénomènes qui vont être analysés ici. Ludovic Harn (Pierre Brasseur) et Aurélia Nobli (Monelle Valentin) sont amants depuis de nombreuses années. Ils jouent tous deux dans la troupe de théâtre dirigée par Lucien Bertal (Michel Simon), le concubin d’Aurélia, personnage malsain qui jouit avec une répugnante complaisance à la fois d'être victime d’adultère et de manipuler les gens qui l’entourent comme s’ils étaient de vulgaires marionnettes. Les amants ont bien essayé à plusieurs reprises de fuir pour vivre leur passion mais Bertal les tient. Il fournit à Ludovic la drogue dont il est maladivement dépendant. Chaque fois, ils ont dû revenir et se soumettre à la volonté tyrannique du vieil homme. Avec le temps, les amants ont fini par nourrir une haine viscérale pour cet homme abject.
3 Bertal décide un jour de mettre en scène Macbeth. Cela faisait des années qu’il en rêvait ; pour lui, « Macbett », comme il le prononce à la française, est une des pièces les plus mûres et l’une des plus dures de Shakespeare. Il explique :
Macbett, c’est l’histoire sordide d’un crime et c’est tout. Mais autour de ce crime, toute la poésie radieuse et sombre de Shakespeare. Mais qu’est-ce qu’un crime sinon le dénouement naturel de toute aventure humaine ? Nous sommes tous de pauvres bêtes de proie et seule notre lâcheté congénitale nous empêche d’aller jusqu’au bout de nos gestes. C’est pourquoi la justice juge, au fond, assez peu de crimes. Il y a des crimes sanglants et brutaux, et il y a des crimes lents aussi, où tous les coups qu’on porte sont mesurés et silencieux, et où il ne coule pas une seule goutte de sang mais où l’on tue tout de même... quelquefois parce qu’on aime encore...
Ces paroles, énigmatiques, résonnent à la fois de façon prophétique en se faisant l’écho des sentiments du couple qui ira jusqu’au meurtre parce qu’en dépit des années et de la drogue qui ont buriné leurs traits autant que leurs illusions romantiques, les deux amants s’aiment encore. Peut-être aussi ces paroles sont-elles révélatrices de l’amour de Bertal pour Aurélia qu’il met au supplice, un supplice lent, silencieux qui les vide, elle et son amant, de leur substance vitale.
4 Le film débute par un « raccord », une scène de répétition entre deux représentations. Ludovic, dans le rôle de Macbeth, et Aurélia, dans celui de Lady Macbeth, rejouent la scène du meurtre de Duncan (II.2), dans leurs vêtements de la vie courante, sous le regard et les commentaires désobligeants de Bertal. Il leur reproche leur manque d’authenticité, les blesse de ses piques acérées et finit par leur répéter avec une insistance malsaine et ironiquement proleptique : « C’est pourtant pas difficile, mes agneaux, vous n’avez qu’à vous figurer que c’est MOI que vous venez de refroidir » ; puis « Figurez-vous que c’est MOI que vous venez de zigouiller, l’empêcheur de danser en rond. Fini le passé, évanoui le père Bertal, il n’est plus là pour vous empêcher de vous aimer. Tu peux avoir Aurélia enfin à toi tout entière. C’est pourtant facile à imaginer. C’est MON sang, mon vieux Ludo, que tu as sur tes mains bien rouges ». Là, commencent à s’opérer des glissements entre la trame filmique et la pièce enchâssée ; la frontière entre les deux niveaux d’intrigue commence dores et déjà à devenir poreuse. Sarcastique, Bertal superpose de façon encore plus marquée les deux mondes en commentant : « Cela vient de ce que dans la vie, Aurélia, tu es plus décidée que lui. Tout à fait comme dans la pièce. Au fond, tout au fond, Macbett est un lâche... et il le sait », affirme-t-il lourdement sans quitter Ludovic du regard. « Et il sait que je le sais ». On notera ici l’ambiguïté du pronom « il » autour duquel s’enchevêtrent l’acteur et son personnage. Ludovic le traite de « Salaud ». Bertal rétorque : « Oui, et vivant ! Ça t’embête ?! ». Contre toute attente, Aurélia réplique d’un ton plein de sous-entendus : « Ne t’en vante pas trop ! On n’est pas toujours vivant ». Bertal se contente d’un ricanement sardonique.
5 Après le départ du couple, un vieil acteur, Sigurd (Noël Roquevert) fait irruption et s’en prend verbalement à Bertal qui lui avait promis un rôle. Ce dernier le déboute sans ménagement et quitte les lieux dans un claquement de porte. Sigurd, hors de lui, sort un revolver de sa poche et le brandit devant un machiniste qui vient d’assister à l’altercation en disant qu’il le « crèvera ». Ce même soir, peu avant le début de la représentation, Bertal est assassiné alors qu’il était seul dans sa loge en train d’enregistrer un commentaire sur la pièce pour des journalistes. La police investit le théâtre. Les soupçons portent tout d’abord sur Sigurd, qui est arrêté, avant que ne soient démasqués les vrais coupables, Ludovic et Aurélia, qui finiront leurs jours en prison.
6 Placées en prélude du film, les toutes premières images de la scène du meurtre (II.2) dans Macbeth fonctionnent stricto sensu comme une mise en « exergue » (« Formule, pensée, citation placée en tête d’un écrit pour en résumer le sens, l’esprit, la portée, ou inscription placée sur un objet quelconque à titre de devise ou de légende » [4]). Les personnages portant leurs vêtements de la vie courante, ces images de Macbeth sont comme extraites de leur contexte théâtral pour être récupérées dans l’univers filmique. Toutefois si les deux intrigues se font écho du point de vue de la structure événementielle (que vient renforcer le jeu de dédoublement des acteurs qui jouent à la fois dans le film et dans la pièce), le film fourmille de procédés techniques, qui œuvrent à rendre la frontière poreuse entre les deux univers extra- et intradiégétiques. Je me focaliserai ici sur les sons et les jeux de porosité sonore.
7 Ainsi, le texte intradiégétique (l’intrigue dans l’intrigue) se manifeste-t-il à maintes reprises par incrustation sonore sur les images du texte premier. Ce sont également les paroles du texte shakespearien qui refont surface et viennent dialoguer avec le texte un, voire viennent se mêler à lui dans une surprenante cacophonie. Les deux intrigues semblent avoir chacune sa réalité diachronique, se dérouler dans le temps simultanément et c’est cette synchronicité même des deux textes, l’un au premier plan, l’autre au second, qui permet de les faire cohabiter momentanément. Pour utiliser une métaphore cinématographique, il n’y a pas seulement changement de plan brutal d’un texte à l’autre mais également une série de glissements comme par fondu enchaîné où cohabitent un instant les deux mondes en surimpression. Je construirai cette étude crescendo en analysant les procédés cinématographiques du plus conventionnel et du plus banal au plus spectaculaire.
8 La première stratégie cinématographique consiste à faire entendre la voix d’un personnage de la pièce de Shakespeare quelques dixièmes de seconde avant le changement de plan qui donne à voir la pièce, si bien qu’on assiste à une infime superposition, parfois quasiment imperceptible, des paroles de l’intrigue de niveau deux sur le visuel de l’intrigue de niveau un dans une sorte de signifiant hybride. Ce procédé tout à fait conventionnel au cinéma (d’autant que les deux intrigues sont synchrones et évoluent dans un espace contigu), à l’œuvre à de nombreuses reprises (time codes 33.09 – 33.14 ; 01.01.53 – 01.01.55 et ailleurs) [5], revêt ici une signification toute particulière.
« Quand nous retrouverons-nous « ... les éclairs et la tempête ? » [6]
de nouveau dans le tonnerre… »
« Alors, serez-vous assez patients… » « ... pour passer sur ces choses ? » [7]
Son de la représentation théâtrale hors-champ
avant visualisation de la source sonore
9 Si ce procédé conventionnel opère au niveau de la jointure entre deux plans, voire deux séquences, Barsacq va en explorer les limites et en jouer à l’envi. Dans quantité de scènes, l’intrigue première se déroule visuellement devant l’œil de la caméra avec surimpression sonore de la pièce de Shakespeare. Le texte théâtral passe tour à tour du premier plan acoustique au second plan ; il se décline en une palette infinie de modulations sonores : parfaitement audible, il devient murmure, affleurant à peine à la surface du texte premier, s’effilochant pour ainsi dire, avant de disparaître tout à fait pour revenir dans les interstices de la trame première. On peut ici emprunter à Michel Chion le concept de clair-obscur verbal :
Il y a clair-obscur verbal lorsqu’alternativement nous comprenons et ne comprenons pas ce que disent les personnages. Soit que ce clair-obscur soit organisé et employé comme un moyen d’expression, soit qu’il résulte intentionnellement [lire « involontairement »] des conditions de réalisation technique ou de défauts rendant le sens des dialogues moyennement intelligible. Le clair-obscur verbal peut être créé aussi volontairement par des prétextes diégétiques : mélange de conversations superposées, mélange de langues différentes (Fellini), brouillages ou parasites quand les personnages communiquent téléphoniquement, présence d’un son de l’environnement fonctionnant comme « masque », déplacements des personnages qui éloignent ou perdent périodiquement leur voix, distance, etc. [8].
10 Dans le premier exemple (time code 40.32 – 41-45), est visualisée la rencontre entre Duncan et Lady Macbeth, qui l’accueille avec une révérence appuyée : « Voici notre hôtesse honorée. L’amour qui nous pourchasse est souvent un tourment et pourtant nous le bénissons au fond de nos cœurs parce qu’il est l’amour. Ainsi ma présence dans votre demeure est à la fois un acte d’amour et un ennui pour vous... » [9]. Lady Macbeth a tout juste le temps de lui accorder une nouvelle révérence qu’un changement de plan révèle les machinistes dans les combles. Ces derniers amènent presque de force devant l’inspecteur en chef (Jean Brochard) le collègue qui a assisté à l’altercation entre Bertal et Sigurd. Celui-ci n’osait pas se manifester. On entend vaguement les paroles de la représentation qui s’inscrivent en pointillés : « ... Sir de Cawdor... ». Le jeune homme confie que Sigurd n'est pas un mauvais bougre mais qu’il lui a montré l’après-midi même un « pétard » rouillé qu’il avait dû acheter aux puces. L’officier lui présente une arme enveloppée dans un mouchoir et lui demande s’il s’agit de celle-ci pendant que Duncan poursuit sa tirade fragmentée : « ... belle et noble hôtesse... » [10]. L’homme reconnaît le revolver. Les paroles de Lady Macbeth semblent sourdre : « ... plaisir de votre altesse afin de lui restituer ce qui lui appartient... / Duncan : Donnez-moi votre main... » [11]. Cet exemple est une excellente illustration du clair-obscur dans toutes ses nuances.
Fragments du texte théâtral se frayant un chemin
à travers les interstices de l'intrigue principale
11 Les scènes de ce type sont légion. On peut en citer une dernière qui revêt un caractère symbolique et où le sonore de la pièce shakespearienne vient se greffer sur une scène du film tout à fait muette (time code 1.00.05-1.00.20) : un changement de plan surprend un machiniste qui chuchote à l’un de ses collègues de venir voir quelque chose. Ils entrouvrent une porte et silencieusement suivent du regard quatre hommes qui emmènent sur une civière le cadavre de Bertal. Pendant ce temps, en surimpression sonore, résonnent les paroles de Macbeth : « L’innocent sommeil, le sommeil qui dévide l’écheveau embrouillé des soucis et la voix criait à toute la maison ‘Ne dormez plus ! Glamis a assassiné le sommeil ! C’est pourquoi Cawdor ne dormira plus’ ». Un policier recouvre le corps d’une couverture. « ‘Macbeth ne dormira plus !’ » [12].
Visuel du film muet avec en surimpression sonore
le texte de Macbeth hors-champ
12 La caméra revient alors sur la représentation. La fiction englobante est ainsi visualisée et réduite au silence (en raison vraisemblablement de la solennité de cette pseudo-procession funéraire) tout en étant drapée du son de l’intrigue interne, dans un effet d’hybridation. Autre point-clef : le fait que le cadavre de Bertal soit vêtu de son costume de scène contribue à dissoudre tout à fait la distinction entre les deux univers alors que la porte qu’entrouvre le machiniste est semblable à un rideau de scène qu’on tirerait sur une représentation. Le regard des machinistes est passé de la scène à l’arrière-scène, dans un renversement de perspective, un retournement entre l’intérieur (la scène) et l’extérieur (la « réalité » du monde filmé), l’intradiégétique et l’extradiégétique, comme si tout à coup la représentation théâtrale interne avait franchi le seuil de la fiction première. La pièce Macbeth s’est engouffrée dans la fiction externe et semble se dérouler là avec un rideau symbolique (la porte), des spectateurs (les machinistes qui ont fait volte-face), le texte sonore suivant le meurtre de Duncan et l’exhibition du cadavre de Bertal.
13 Barsacq continue d’explorer le découplage du visuel et du sonore et met en œuvre une nouvelle stratégie tout à fait ingénieuse quant à elle autant qu’audacieuse dans une autre séquence. Un soldat blessé arrive sur scène, le capitaine de la deuxième scène de la pièce de Shakespeare ; le roi vient à sa rencontre et s’enquiert avec autoritarisme : « Qui est cet homme ensanglanté ? Il doit pouvoir, à en juger par l’état où il se trouve... ». À cet instant, un changement brutal de plan se focalise sur un haut-parleur fixé en hauteur à un mur, par lequel on continue d’entendre le roi : « ... nous donner des nouvelles de la révolte » [13].
Paroles de la représentation interne transmises par le haut-parleur
et dialoguant avec la fiction externe ― stichomythie
La caméra est en fait passée derrière la scène, dans les coulisses, avec rupture visuelle mais continuité sonore, qui illustre une nouvelle fois cet incessant glissement entre les deux mondes. Le spectateur perçoit une nouvelle fois un phénomène de superposition sonore de l’intrigue interne sur le visuel de la fiction externe, néanmoins le réalisateur va ici va plus loin.
14 L’objectif se déplace alors et donne à voir l’inspecteur en chef occupé à allumer une cigarette le temps d’entendre un acteur de la pièce poursuivre hors-champ par l’intermédiaire du haut-parleur (time code 33.57 – 34.40) : (Malcolm) « Raconte au roi ce que tu sais de la bataille » [14]. L’officier interroge Laurent, un jeune acteur reconnaissant à Bertal de l’avoir formé. Le fait qu’il soit en costume face à l’Inspecteur en tenue civile participe de prime abord de l’antithèse mais témoigne en réalité une nouvelle fois du fondu entre les deux fictions dans une sorte d’oxymore visuel. L’inspecteur l’interroge sur Sigurd, qui semble très vite recueillir les soupçons des enquêteurs. Entre deux phrases de l’inspecteur qui tire sur sa cigarette, le texte shakespearien refait surface, il semble remonter des profondeurs intradiégétiques. Laurent témoigne des menaces proférées par le vieil homme. Les deux textes semblent alors se répondre dans un jeu saisissant de stichomythie (forme de dialogue dans lequel les acteurs se répondent vers par vers ; le plus souvent présent dans la tragédie, ce procédé habite encore le style comique ou héroï-comique lorsque fusent répliques et dupliques) :
Roi : ... nous donner des nouvelles de la révolte.
Malc. Raconte au roi ce que tu sais de la bataille.
Insp. Vous lui aviez entendu parler de ce Sigurd ?
Laurent : Oui. Ce soir encore, cet homme l’avait menacé.
Capitaine : Elle était indécise.
Insp. C’était un homme capable de se venger ?
Capitaine : Comme deux nageurs épuisés...
Laurent : Un velléitaire...
Capitaine : Qui se cramponnent l’un à l’autre et se paralysent...
Laurent : Poussé par quelqu’un peut-être mais pas tout seul.
Capitaine : Mais le brave Macbett... [15]
15 Il ne s’agit en aucune façon d’une superposition sonore, ne serait-ce que partielle, des dialogues, ni même d’un changement de focalisation du premier plan au second plan acoustique ; on passe rigoureusement de l’un à l’autre, comme si le monologue du capitaine dialoguait avec l’inspecteur et Laurent, se répondant au même niveau sonore, au même niveau « narratif » ; les deux niveaux diégétiques dialoguent ensemble. Ce procédé donne d’ailleurs un petit quelque chose de peu naturel à l’expression hachée du capitaine qui attend la fin de la phrase de l’autre texte avant de poursuivre, de même que l’acteur Laurent s’attarde artificiellement avant de répliquer à l’inspecteur.
16 À ce moment précis, Ludovic/Macbeth costumé et maquillé descend de sa loge sous le regard de Laurent et de l’inspecteur qui restent silencieux sous la description héroïque du capitaine hors-champ : « ... frappant à coups redoublés, se taille un passage à travers l’ennemi. Il affronte le plus déloyal des traîtres, le Sir de Cawdor en combat singulier, et pour finir la victoire nous échoit » [16]. La description intradiégétique verbale vient se superposer sur le personnage costumé de Macbeth/Ludovic en coulisses, qui comme le jeune Laurent fait le lien entre les deux univers. Le texte et le(s) personnage(s) shakespeariens se déplacent ainsi dans les coulisses, où ils fusionnent, se mêlent à l’univers non théâtral. Ludovic passe devant les deux hommes sans un regard et s’arrête un court instant devant un miroir pour revêtir son casque. On entend à peine le roi Duncan conclure : « Ces paroles... bien... » [17] alors que Ludovic ouvre la porte pour rejoindre la scène. Il y a évidemment un trait d'ironie dans le fait que Ludovic/Macbeth soit capté par le plan cinématographique comme en réponse aux doutes exprimés par Laurent (« Poussé par quelqu’un peut-être mais pas tout seul »).
17 La caméra se focalise alors sur un policier occupé à arpenter un couloir (time code 34.50 – 35.10) [18]. Il s’arrête en entendant retentir les trompettes, l’oreille aux aguets, avant d’aller risquer un œil dans la loge de Bertal. Il sursaute en entendant le haut-parleur lâcher : « Vive le roi ! » [19] devant le corps de Bertal toujours étendu sans vie sur le sol. On entend à nouveau le tonnerre qui se déchaîne alors que le machiniste, que l’on découvre peu après, agite violemment un panneau métallique. Effrayé, le policier se hâte de refermer la porte. On retrouve donc dans la deuxième partie de cet épisode une intrigue de niveau un muette investie par le sonore de la pièce mise en abyme.
18 Après la stichomythie par laquelle il fait dialoguer tour à tour l’un et l’autre textes, Barsacq va encore poursuivre avec une audace grandissante son exploration des manifestations sonores en superposant tout à fait les deux textes cette fois dans une totale cacophonie (time code 36.15 – 37.42). L’inspecteur en chef est au téléphone en communication avec son supérieur. Il se trouve dans la loge de Bertal, dont le cadavre gît encore sur le sol. Il promet que l’assassin sera arrêté d’ici le matin.
Conversation de l’inspecteur avec son supérieur transformée en monologue
19 Tout en parlant, il s’assied sur le rebord de la table et déclenche par inadvertance un appareil, sorte de haut-parleur permettant de suivre la représentation à distance depuis les loges. Cet épisode se situe trois minutes après celui que nous venons d’évoquer et le même type d’objet est à nouveau mis en scène, le haut-parleur. On entend Macbeth en voix off ; l’officier cherche à éteindre l’appareil en jurant : « ... pensée où le meurtre n’est encore qu’un rêve... à quel point le royaume de mon âme... » [20]. L'officier s’acharne bruyamment sur l’appareil qu’il cherche désespérément à arrêter tout en faisant répéter son supérieur qu’il n’arrive plus à entendre au téléphone. Le supérieur semble penser que les jurons de son subalterne lui sont adressés.
L’inspecteur s’efforçant de réduire au silence la fiction enchâssée
tout en conversant au téléphone ― polyphonie
20 Les paroles de Macbeth s’en trouvent entrecoupées tout d’abord avant de devenir tout à fait inintelligibles alors que les mots de l’inspecteur se superposent à elles, tout comme se superposent finalement les deux intrigues, dans un véritable tohu-bohu sonore et sémantique, où l’on ne sait plus qui parle à qui. Les deux mondes s’entremêlent étroitement une nouvelle fois, fusionnent même sans commune mesure : l’inspecteur s’adressant à la machine, qui livre les paroles de Macbeth, lui parle d’une certaine façon alors même que le supérieur pense qu’il s’adresse à lui. Le fonctionnaire de police finit par frapper sur la machine qui est enfin réduite au silence.
21 L’inspecteur dit à son supérieur qu’il peut aller tranquillement au théâtre ce soir. L’autre semble lui répliquer qu’il va se rendre au Casino de Paris. L’inspecteur lui avoue que ce sera plus gai qu’ici. Il se fait l’écho des propos de son interlocuteur, que l’on ne voit ni n’entend, avec à la fois un phénomène de hors-champ acoustique et visuel : « Aahh ? Macbett c’est une belle pièce ? Je ne connaissais pas. Vous savez, moi, patron, le théâtre... ». Après la cacophonie, la multiplicité de sources sonores, la dualité du dialogue entre le supérieur et l’inspecteur semble canalisée par la seule voix de l’officier [21]. L’antithèse de traitement sonore entre le dialogue transformé en pseudo-monologue et l’épisode de polyphonie dissonante qu’il encadre est saisissante.
22 Alors que l’inspecteur en chef raccroche, le haut-parleur se remet en marche : « Oh, mon très digne cousin... ». L’inspecteur jure de nouveau et appelle le policier en faction à l’extérieur de la pièce pour qu’il vienne lui « bousiller » « ce truc-là ». La voix : « ... tu vas si loin dans la victoire que l’aile la plus... ». La voix continue partiellement masquée par les efforts acharnés autant que désespérés du policier pour arracher les fils de l’appareil.
Policier s’acharnant à faire taire la fiction interne
Ces phénomènes de résurgence sonore irrépressible témoignent de ce monde intradiégétique que l’on ne saurait contenir, rejaillissant à maintes reprises sur l’intrigue principale tout comme la répétition de la scène du meurtre de Macbeth mise en exergue dans les premiers instants du film finit par conditionner le meurtre de Bertal.
23 Quelque temps plus tard, l’inspecteur regagne la loge, suivi d’Aurélia et de son adjoint. Quand deux journalistes lui disent vouloir récupérer le magnétophone sur lequel Bertal a enregistré son interview, il commence par les renvoyer sans ménagement puis il revient sur ses pas et veut savoir comment fonctionne l’appareil. Il demande à entendre la bande depuis le moment où les journalistes ont laissé Bertal seul (time codes 1.12.11 – 1.14.23). On entend à nouveau pendant que la caméra cadre Aurélia : « Macbett, c’est l’histoire sordide d’un crime et c’est tout ». La bande poursuit alors que la caméra revient tantôt sur les hommes tantôt sur Aurélia :
Mais autour de ce crime, toute la poésie radieuse et sombre de Shakespeare. Mais qu’est-ce qu’un crime sinon le dénouement naturel de toute aventure humaine ? Nous sommes tous de pauvres bêtes de proie et seule notre lâcheté congénitale nous empêche d’aller jusqu’au bout de nos gestes. C’est pourquoi la justice juge, au fond, assez peu de crimes. Il y a des crimes sanglants et brutaux, et il y a des crimes lents aussi, où tous les coups qu’on porte sont mesurés et silencieux, et où il ne coule pas une seule goutte de sang mais où l’on tue tout de même... quelquefois parce qu’on aime encore...
Champs-contre-champs sur Aurélia / l’ inspecteur et les journalistes
Aurélia, les journalistes, et la police assistant au meurtre de Bertal
par le biais de son enregistrement sur le magnétophone ― scène acousmatique
24 Les traits d’Aurélia trahissent une inquiétude grandissante. La bande s’interrompt un instant. On entend une porte s’ouvrir. On assiste alors à une extraordinaire scène acousmatique. « Acousmatique se dit en physique d’un son dont la source reste invisible. Le terme désigne les disciples de Pythagore qui, cinq années durant, écoutaient ses leçons cachés derrière un voile, sans jamais le voir et en observant le silence le plus rigoureux » [22]. Le spectateur se trouve ainsi dans la position des disciples de Pythagore, tout comme le sont les personnages du film. L’oreille est aux aguets, tendue dans l’attente de découvrir... peut-être... ce qui s’est réellement passé. Elle se substitue à l’œil dans une palpitante synesthésie ; l’oreille voit, suivant pas à pas la scène du meurtre [23]. De plus les spectateurs que nous sommes sont face à une scène muette dans laquelle les personnages cherchent à entendre une autre scène dans un jeu de mise en abyme acoustique, d’où un phénomène d’écoute emboîtée, selon la terminologie de Michel Chion :
Nous pouvons parler d’une écoute emboîtée lorsqu’un personnage figurant dans un film écoute un son enregistré avec ou sans image, sur un magnétophone ou une table de montage, situation qui redouble celle où nous sommes devant le film. Cette écoute qui réactualise un autre temps et un autre lieu que ceux où se trouve le personnage, peut amener un retour en arrière qui n’en est pas un, qui est comme une réactualisation accompagnée ou non d’images et de visualisation [24].
25 Cette scène sonore est par ailleurs asynchrone : c’est une voix qui remonte du passé car enregistrée plus tôt dans la soirée, et qui par ailleurs est celle d’un mort. Le dénouement approche. Bertal : « Qu’est-ce que tu veux encore ? Fous-moi le camp ! ». Sigurd : « Monsieur Bertal, vous voulez me couler parce que vous êtes jaloux de mon talent mais vous allez payer, maintenant ». On entend plusieurs coups. Bertal : « Mais tu es fou, bougre de cochon. Veux-tu foutre le camp ! Ah ! » Un cri de douleur est arraché à Bertal dont on entend le corps s’effondrer lourdement sur le sol. On entend Sigurd s’éloigner en courant. Aucun coup n’a été tiré... (alors que le médecin légiste avait conclu à deux balles tirées dans la région cervicale). À peine quelques secondes plus tard, on entend un bruit de pas mesurés. On est surpris d’entendre à nouveau Bertal (que l’on aurait pu croire mort) : « Vous venez voir si je suis crevé, hein ? C’est vous qui l’avez envoyé ? Tu vas me le payer, toi ». On entend une bagarre. Puis les cris d’Aurélia : « Ludo ! Ludo ! ». Puis, trois coups de feu secs. Aurélia met ses mains sur ses oreilles et hurle : « Arrêtez ! Arrêtez ! ».
Aurélia se couvrant les oreilles afin de refouler le meurtre acousmatique
26 Elle avoue : « C’est nous qui l’avons tué. Ce n’est pas Sigurd ». L’inspecteur veut savoir pourquoi il a avoué. Aurélia explique qu’il était soûl, qu’il lui a donné un coup de crosse sur la tête, qu’il a voulu tirer mais que le revolver s’est enrayé et qu’il l’a jeté avant de fuir, croyant avoir tué Bertal. C’est à ce moment-là qu’Aurélia est entrée. Bertal s’est jeté sur elle, plein de sang. Il voulait l’étrangler. Elle a crié. Ludovic est entré. Il a ramassé le revolver et a tiré (time code 1.18). La bande sonore de l’enregistrement fait cohabiter les commentaires de Bertal sur le texte shakespearien dans la première partie de la bande et le meurtre extradiégétique. En d’autres termes, on assiste sur le même support à un glissement (de la thématique) du meurtre shakespearien au meurtre sonore du metteur en scène lui-même.
27 Le film enchaîne avec la scène V.5 (time code 01.15.24), où Macbeth interroge Seyton sur l’origine de ces cris de femme avant d’apprendre la mort de Lady Macbeth. Or, ces cris de femmes qui auraient dû être poussés dans le cadre de la pièce intradiégétique, il semble que c’est Aurélia, l’actrice, qui les profère dans un transfert du monde théâtral vers l’intrigue première. Il ne s’agit pas à proprement parler de perméabilité sonore ici mais d’un phénomène de substitution d’un signifiant (acoustique) du monde intradiégétique au monde extradiégétique. C’est Aurélia, et non le personnage shakespearien, qui pousse ce cri déchirant en prélude à une mort symbolique puisqu’elle finira ses jours en prison. Par ailleurs, il est intéressant de s’attarder un instant sur le jeu astucieux de cascade sonore par lequel les cris d’Aurélia à la fin de la bande (« Ludo ! Ludo ! ») trouvent leur écho immédiat dans la réaction « Arrêtez ! Arrêtez ! », reprise quelques secondes plus tard par le cri poussé en découvrant le corps inerte de Lady Macbeth dans une sorte de figure d’enchaînement qui mêle passé et présent, fiction interne et externe.
28 Nous avons étudié pour l’essentiel les jeux de résurgences sonores de la pièce de Shakespeare venant investir l’univers extradiégétique du film. Néanmoins, la perspective se renverse à l’envi comme lorsque la voix de Bertal rejaillit tandis que Ludovic/Macbeth interprète la scène du meurtre (time code 57.15-58.40). Macbeth descend les marches, les mains ensanglantées, tenant les poignards. Lady Macbeth accourt et l’étreint : « Mon homme ! ». C’est alors que les paroles de Bertal en voix off, comme venues d’outre-tombe, refont surface : « Tu l’aimes ton Macbett, tu entends. Ça doit te sortir du ventre ‘Mon homme’. C’est ton mâle et tu l’as envoyé tuer. Seulement c’est ton p’tit aussi ». Lady Macbeth regarde Macbeth qui ne réplique point.
Résurgence et surimpression des paroles du défunt Bertal sur l’intrigue interne
29 Elle colle sa tête sur son épaule en reprenant : « Mon homme ! » La voix de Bertal lâche : « C’est mieux ». Un changement de plan révèle le directeur, Laurent et l’inspecteur-adjoint. Ils s’interpellent sur le silence de Macbeth, croyant à un (nouveau) trou de mémoire. Macbeth s’anime : « Qui couche dans la seconde chambre ? / Lady Macbeth : Donalbain ». Il tend les mains devant lui : « Voilà un triste spectacle » [25]. La voix de Bertal, ironique, cassante, se fait à nouveau entendre : « Non, c’est pas de la merde que tu as sur les mains, c’est du sang ». Lady Macbeth : « Sotte pensée que de dire que c’est un triste spectacle » / Macbeth : « Il y en a un qui a ri dans son sommeil et l’autre qui a crié ‘Au meurtre !’ [...] ». La voix de Bertal vient ainsi dialoguer à titre posthume avec Macbeth. Nous est donné le point de vue sonore de Macbeth/Ludovic. Michel Chion parle de « sons internes subjectifs (voix mentales, son-réminiscence, conversations imaginées, comme dans Psychose de Hitchcock) » [26], qu’il s’agisse ici effectivement de la voix posthume de Bertal venant hanter son meurtrier ou de l’imaginaire coupable de Macbeth. Ce phénomène anticipe, il va sans dire, la scène du banquet (III.3) où le spectre de Banquo revient tourmenter le scélérat qui lui a ôté la vie. Toujours est-il qu’ici l’extradiégétique vient imprégner l’intrigue interne.
30 Nous avons vu à travers ces nombreux exemples Barsacq œuvrer tout au long du film à décloisonner les deux intrigues, à les faire s’interpénétrer; bien loin de se contenter d’un simple enchevêtrement, il s’efforce à les rendre poreuses ; il s’acharne, avec beaucoup de bonheur d’ailleurs, à la charnière des deux univers, notamment en recourant à des procédés techniques comme le haut-parleur ou le magnétophone qui fragmentent, font éclater le signifiant, l’amputant de sa dimension visuelle, pour mieux le déplacer dans l’espace, mais aussi d’une intrigue à l’autre. L’intrigue interne et l’intrigue externe s’obstinent à refaire surface et à s’immiscer acoustiquement l’une dans l’autre, cherchant par là-même à fusionner. Pendant ce temps, les personnages n’ont de cesse quant à eux de tenter de faire refluer ce débordement sonore incoercible. Nous avons vu l’inspecteur et son subalterne s’évertuer avec une brutalité comique proche du cliché à réduire au silence le haut-parleur qui laisse libre cours au texte shakespearien ; Aurélia, dont la gestuelle accroche le regard par son pathétique, lorsqu’elle se bouche les oreilles afin de se soustraire aux paroles du magnétophone qui ravivent à la fois le meurtre de la fiction shakespearienne et celui du metteur en scène ; Aurélia/Lady Macbeth encore qui interrompt les paroles résurgentes du défunt Bertal dont les reproches assaillent la conscience torturée de Macbeth dans la scène du meurtre de Duncan (II.2). Néanmoins, le débordement sonore ne saurait se laisser contenir et les deux intrigues persistent à sourdre de part et d’autre par les moindres interstices d’une trame rendue particulièrement perméable par le fait que les protagonistes de l’intrigue externe sont également les dramatis personae de la représentation théâtrale interne qui ne cessent de franchir le seuil entre les deux espaces, les deux fictions. Cette trame poreuse c’est le rideau auquel le film doit son titre. L’inspecteur en chef ne voit-il pas lui-même entre les deux mondes un prolongement que sépare un simple tissu : « C’est fou ce qu’on raconte dans les coulisses pendant que la pièce se joue derrière la toile à un mètre de là » [27]. Ce rideau (qui est celui de la scène aussi bien que les pendrillons des coulisses), tout entaché du sang des victimes de Macbeth/Ludovic, est (pour paraphraser John Hillis-Miller à propos du préfixe « para ») la « frontière elle-même, l’écran qui fait membrane perméable entre le dedans et le dehors, [qui] opère leur confusion, laissant entrer l’extérieur et sortir l’intérieur, [qui] les divise et les unit » [28]. Ce « rideau rouge », c’est l’élément métadramatique par excellence, le lieu de cristallisation où s’opère la mise en abyme, la frontière perméable entre l’intradiégétique et l’extradiégétique [29].
Bibliographie
- CHION, Michel, La voix au cinéma, coll. Essais, Cahiers du cinéma, Paris, Éditions de l’Étoile, 1993 (1982).
- — , Le son au cinéma, coll. Essais, Cahiers du cinéma, Paris, Éditions de l’Étoile, 1992 (1985).
- — , Un art sonore, le cinéma. Histoire, esthétique, poétique, coll. Essais, Cahiers du Cinéma, 2003.
- DUFRENNE, Mikel, L’Œil et l’oreille, Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1991.
- GAUDREAULT, André, Du littéraire au filmique : système du récit, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989 (1988).
- GAUDREAULT, André & François Jost, Cinéma et récit II : le récit cinématographique, coll. Nathan-Université, Paris, Nathan, 1990.
- JOST, François, « Focalisations cinématographiques : de la théorie à l’analyse textuelle », Fabula, n°4, 1984, p. 9-31.
- — , « L’oreille interne. Propositions pour une analyse du point de vue sonore », Iris, vol. 3, n°1, 1985, p. 21-34.
Notes
1. Communication présentée dans le cadre de la journée d’étude sur « Shakespeare on Screen in Francophonia » organisée par l’IRCL – UMR 5186, octobre 2010. Cette étude va paraître avec un certain nombre de modifications en anglais sous le titre « Macbeth in André Barsacq’s Le Rideau rouge (1952): Mise-en-Abyme and Acoustic Porousness », in Shakespeare on Screen : Macbeth, éd. Sarah Hatchuel & Nathalie Vienne-Guerrin, Presses Universitaires de Rouen et du Havre.
2. Voir dans le cinéma français Les Enfants du paradis de Marcel Carné (1943-45), Paris nous appartient de Jacques Rivette (1964), L’important c’est d’aimer de Andrzej Zulawski (1975), Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira (2001) pour ne citer que quelques exemples.
3. J’utilise tout au long de cet article le lexème « texte » dans son acception la plus large, comparant le film à un livre.
4. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) en ligne. Consultation le 19 février 2013. C’est moi qui souligne.
5. Le time code peut varier d’un d’un support à l’autre et d’un lecteur à l’autre.
6. « When shall we three meet again ? / In thunder… lightning, or in rain ? » (I.1.1-2). Édition de référence : The Oxford Shakespeare. The Complete Works, éd. Gary Taylor, Stanley Wells, et al., 2e édition, Oxford, Clarendon Press, 2005 (1986).
7. « Do you find / Your patience so predominant… That you can let this go ? » (III.1.87-89).
8. <http://www.lampe-tempete.fr/ChionGlossaire.html>. Également disponible à l’adresse <http://www.michelchion.com/glossaire/michel-chion-glossaire.pdf>, p. 37#61. Consultation le 08 février 2013. Dans La voix au cinéma, coll. Essais, Cahiers du cinéma, Paris, Éditions de l’Étoile, 1993 (1982), Michel Chion analyse ce phénomène sans encore recourir à l’expression « clair-obscur » (p. 81-90).
9. « Duncan : See, see, our honoured hostess ! / The love that follows us sometime is our trouble, / Which still we thank as love. Herein I teach you / How you shall bid God ‘ield us for your pains, / And thank you for your trouble » (I.6.10-14).
10. « Fair and noble hostess » (I.6.24).
11. « Lady Macbeth : ... your highness’ pleasure, / Still to return your own. / Duncan : Give me your hand » (I.6.27-28).
12. « Macbeth : ― the innocent sleep, / Sleep that knits up the ravelled sleave of care, / [...] Still it cried ‘Sleep no more’ to all the house, / ‘Glamis hath murdered sleep, and therefore Cawdor / Shall sleep no more, Macbeth shall sleep no more’ » (II.2.34-35 ; 39-41).
13. « Alarum within. Enter Duncan [...] with attendants. King Duncan : What bloody man is that ? He can report, / As seemeth by his plight, of the revolt / The newest state » (I.2.1-3).
14. « Malcolm : Say to the King the knowledge of the broil / As thou didst leave it » (I.2.6-7).
15. « Doubtful it stood, / As two spent swimmers that do cling together / And choke their art. [...] For brave Macbeth... » (I.2.7-8 ; 16).
16. « … doubly redoubling strokes, carved out his passage [...] through the enemy. He confronted that most disloyal traitor, the Thane of Cawdor in single combat, and to conclude, the victory fell on us » (I.2.38 ; 20 ; 52-53 ; 57-58).
17. « So well... thy words... » (I.2.43).
18. Cet épisode est absent de la version commercialisée par Gaumont.
19. « Ross : God save the King » (I.2.47).
20. « Macbeth : My thought, whose murder yet is but fantastical, /... so my single state of man... » (I.3.138-39).
21. Dans un cours sur l’usage du téléphone au cinéma, Michel Chion établit une typologie du « téléphème ». Emprunté à un journaliste du XXe siècle, ce terme signifie une unité de conversation téléphonique. La scène que nous venons de décrire correspond au type deux de la typologie établie par le chercheur, dans lequel « on reste avec A dans toute la durée du téléphème, mais sans entendre ce que dit B ». Le type zéro correspond notamment au « cas de l’échange téléphonique où nous voyons, sans les entendre, les deux locuteurs du montage alterné » ; le type un quant à lui « correspond au montage alterné où l’on n’entend strictement que la voix de celui/celle qui est sur l’écran : on est sur A quand A parle, sur B quand B parle » ; le type trois « est celui où on reste également sur A, mais en entendant la voix qu’il/elle entend dans son écouteur » ; le type quatre « combine le montage alterné et la possibilité d’entendre filtrée dans l’écouteur la voix du correspondant » ; le type cinq est quant à lui « le split-screen téléphonique, l’écran divisé en deux » (http://www.michelchion.com/cours/telephone_au_cinema.pdf) (extrait du volume Un art sonore, le cinéma. Histoire, esthétique, poétique, coll. Essais, Cahiers du Cinéma, 2003, chapitre XXI p. 324-29). Ce concept est également décrit à l’adresse <http://www.lampe-tempete.fr/ChionGlossaire.html>. Consultation le 27 mai 2013.
22. Larousse. Voir Michel Chion, Le son au cinéma, coll. Essais, Cahiers du cinéma, Paris, Éditions de l’Étoile, 1992 (1985), p. 25-44.
23. Cf. Mikel Dufrenne : « Si Claudel écrit : ‘L’œil écoute’, Rousseau a presque dit : ‘L’oreille voit’, quand il souligne l’expressivité de la musique, et singulièrement de la mélodie (‘La musique ne peint que par la mélodie, et tire d’elle toute sa force’) ; c’est précisément à l’article ‘Imitation’ du Dictionnaire de musique qu’il écrit : ‘La musique semble mettre l’œil dans l’oreille ; et la plus grande merveille d’un art qui n’agit que par le mouvement est d’en pouvoir former jusqu’à l’image du repos. La nuit, le sommeil, la solitude et le silence entrent dans le nombre des grands tableaux de la musique’ » (Mikel Dufrenne, L’Œil et l’oreille, Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1991, p. 115-16).
24. Il donne comme exemples La Dolce Vita de Federico Fellini (1959), La Nuit/La Notte de Michelangelo Antonioni (1961), Conversation secrète/The Conversation de Francis Coppola (1974), La Puritaine de Jacques Doillon (1986), La double vie de Véronique de Krzysztof Kieslowski (1990). Référence : <http://www.lampe-tempete.fr/ChionGlossaire.html>, #Emboîté. Consultation le 19 février 2013.
25. « Macbeth : Who lies i’th’second chamber ? / Lady Macbeth : Donalbain. / Macbeth (looking at his hands) : This is a sorry sight » (II.2.17-18).
26. Référence : <http://www.lampe-tempete.fr/ChionGlossaire.html>, #Interne. Consultation le 21 février 2013. Quant à André Gaudreault et François Jost, ils réfèrent au point de vue sonore en termes d’« auricularisation interne » (Cinéma et récit II : Le récit cinématographique, coll. Nathan-Université, Paris, Nathan, 1990, p. 135).
27. Paroles de l’inspecteur en chef (time code 46.24).
28. John Hillis-Miller, « The Critic as Host » in Deconstruction and Criticism, ed. Harold Bloom, et al., 2e édition, New York, The Continuum Publishing Company, 1992, p. 219, cité en français par Gérard Genette, Seuils, coll. Poétique, Paris, Seuil, 1987, p. 7.
29. Une nouvelle publication est en préparation sur « Macbeth in André Barsacq’s Crimson Curtain : Mise en Abyme and Liminality » portant sur les transgressions visuelles (et sonores) du seuil qui sépare la représentation intradiégétique de l’intrigue extradiégétique (à paraître).
Référencement
DORVAL, Patricia, « Macbeth et Le Rideau rouge d'André Barsacq : phénomènes de porosité sonore », in Patricia Dorval & Nathalie Vienne-Guerrin (éd.), Shakespeare on Screen in Francophonia : The Shakscreen Collection 2, Montpellier (France), IRCL, Université Paul-Valéry/Montpellier 3, 2013 (http://www.shakscreen.org/analysis/analysis_rideau_rouge1/) (dernière modification 09 août 2013).
Contributed by Patricia DORVAL
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