La fictionnalisation du système de justice québécois
dans Roméo et Juliette d’Yves Desgagnés
Jennifer Drouin
1 Roméo et Juliette, réalisé par Yves Desgagnés en 2006 [1], est une adaptation québécoise de Shakespeare qui suit assez fidèlement la trame narrative et la caractérisation des personnages tout en transposant l’action dans un contexte qui évoque la guerre des motards qui a secoué le Québec de 1994 à 2002. Le père de Roméo, Réal Lamontagne, joué par Gilles Renaud, est un gangster notoire qui évoque Maurice « Mom » Boucher, criminel de renom à travers le Québec et chef des Hells Angels, qui a livré une guerre de règlements de comptes féroce contre le groupe de motards Rock Machine. « En huit ans, on a comptabilisé » 160 « morts (dont neuf innocents), neuf disparus, 181 tentatives de meurtre et 84 incendies criminels » avec plusieurs bombes ayant explosé dans les rues de Montréal [2], comme cette bombe qui détruit une voiture à la troisième minute du film où le personnage à torse nu crie : « La guerre des motards a encore fait exploser un enfant, sacrement ! » (fig. 1). Le père de Juliette, Paul Véronneau, joué par Pierre Curzi, est un juge de la Cour supérieure qui préside le procès de Réal Lamontagne. Ainsi, trois scènes sont consacrées au procès, et plusieurs autres scènes se déroulent aux alentours de la cour. Or, comme c’est souvent le cas avec les scènes de procès au cinéma et à la télévision, le réalisateur prend plusieurs libertés à des fins dramatiques et scénographiques de sorte que ce que l’on voit à l’écran ne représente guère la réalité. Le spectateur de cinéma assiste plutôt à une fictionnalisation du système de justice québécois à un niveau d’invraisemblance qui rivalise avec Shakespeare lorsqu’un de ses personnages se fait manger par un ours et lorsqu’une statue revient à la vie après un voyage en navire à un pays sans côte marine.
Fig. 1. Une bombe de la guerre des motards
2 Dans le système judiciaire, la Cour supérieure se situe en dessous de la Cour d’appel du Québec, qui est le plus haut tribunal au Québec, qui est en dessous de la Cour suprême du Canada. La Cour supérieure est le plus haut tribunal de première instance au Québec, au-dessus de la Cour du Québec, qui inclut la Cour de petites créances, ainsi que plusieurs tribunaux administratifs (fig. 2) [3]. En matière civile, la Cour supérieure a compétence pour toute demande en justice qui excède 100 000 $, en dessous de laquelle la Cour du Québec a compétence [4]. En matière criminelle, les infractions moindres qui sont poursuivies par procédure sommaire et certains actes criminels moins graves vont devant la Cour du Québec, alors qu’on va devant la Cour supérieure pour les crimes les plus sérieux, comme un procès pour meurtre ou agression sexuelle grave, et les procès pour lesquels l’accusé a choisi d’être entendu par un jury au lieu de par un juge siégeant seul [5]. À titre comparatif avec la France, la Cour supérieure du Québec ressemble à la Cour d’assises pour les crimes.
Fig. 2. Organigramme du système judiciaire au Québec
3 D’ailleurs, pour devenir juge au Québec, le processus est très différent de ce qui se passe en France. Le Québec n’a pas de juges d’instruction, car l’évaluation à charge et à décharge est effectuée par les policiers d’abord et ensuite par les procureurs du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) [6], appelés les procureurs de la Couronne dans les provinces de common law, qui décident s’il y a assez de preuves pour avoir des chances raisonnables d’obtenir une condamnation, et donc de poursuivre la mise en accusation ou non. Pour devenir juge, il n’y a aucune formation officielle à suivre. Les avocats du Barreau peuvent devenir juges après dix ans d’expérience comme avocats [7], et ce sont souvent les procureurs du DPCP ou des avocats de renom qui y sont nommés, soit par le Québec pour siéger à la Cour du Québec [8], soit par le gouvernement fédéral pour siéger à la Cour supérieure [9]. Cela signifie que le juge Véronneau aurait pratiqué comme avocat pendant au moins dix ans, probablement beaucoup plus, avant d’être nommé par le gouvernement fédéral à la Cour supérieure.
4 Voici la première des trois scènes du procès (les deux autres sont plus courtes et ont moins de contenu significatif).
La première des trois scènes du procès (extrait vidéo)
5 D’abord, la configuration de la salle du procès est étrange. On voit qu’il y a sept rangées de tables réservées aux avocats de chaque côté, avec un écran vidéo devant chaque siège pour voir le témoin qui parle à la barre devant, face au public, à côté de deux greffiers, et le banc des jurés à gauche, également équipé de plusieurs écrans (fig. 3). Normalement, dans une salle de procès, la barre des témoins est au centre, le témoin parle face au juge, le banc du jury est à côté du juge et face au témoin, il n’y a qu’une table devant du chaque côté du témoin pour les avocats, un seul greffier est assis directement entre le juge et le témoin, et le public occupe plusieurs rangées de sièges à l’arrière (pas une seule rangée). Bref, dès que l’on voit le décor de cette scène, quiconque connaît les salles de procès au Québec, voire dans le reste du Canada, même dans d’autres films ou à la télévision, voit immédiatement que la salle est anormale.
Fig. 3. Une salle pour les mégaprocès des motards
6 La scène est censée se dérouler dans une salle de la Cour supérieure. Presque tous les procès du district judiciaire de Montréal de la Cour supérieure ont lieu au Palais de justice de Montréal, qui est situé dans le quartier du Vieux Port, où la première scène du film est tournée de manière à y situer d’emblée le spectateur de cinéma. Plus tard, on voit Juliette courir vers le Palais de justice de Montréal, ce qui renforce la présomption que le procès y a lieu (fig. 4a-4b). Or, on finit par comprendre, grâce à d’autres scènes dans le film, qu’on n’est pas dans une salle normale du Palais de justice de Montréal, mais bien dans une salle spécialement conçue pour les procès des gangs de motards, au Centre de services judiciaires Gouin (fig. 5a), qui a été construit dans l’urgence en 2001, et qui est relié par un tunnel sous-terrain sécurisé à la prison de Bordeaux [10], prison à sécurité maximale située juste à côté et que l’on voit en arrière-plan lorsque le juge Véronneau sort dans le stationnement pour parler à Laurence (fig. 5b). À la fin du film, on voit une voiture passer devant la prison de Bordeaux (fig. 6).
Fig. 4a-4b. Le Palais de justice de Montréal, du côté de la rue Notre-Dame /
Juliette qui court sur le Champ-de-Mars vers le Palais de justice du côté de la rue Saint-Antoine
Fig. 5a-5b. La porte principale et le stationnement du Centre de services judiciaires Gouin /
La prison de Bordeaux en arrière-plan du même stationnement
Fig. 6. La prison de Bordeaux
7 Ensuite, on voit le père de Roméo dans le box des accusés, entouré de quatre policiers de la Sûreté du Québec, le plus haut corps policier, chaque policier portant une arme à feu à la ceinture (fig. 7). Encore une fois, c’est une image assez choquante puisque d’habitude l’accusé est amené du centre de détention à la cour par un seul agent des Services correctionnels, qui porte un uniforme différent, et qui n’est pas armé, pour la raison évidente que l’accusé est menotté aux poignets et aux chevilles, mais on ne veut pas lui donner l’occasion de s’emparer de l’arme à feu d’un agent en provoquant une bousculade ou autre événement chaotique. On peut imaginer qu’un criminel qui est censé évoquer la notoriété de Mom Boucher puisse nécessiter une dérogation à la procédure normale d’un seul agent correctionnel qui accompagne l’accusé dans le box, mais peu importe la renommée de l’accusé ou la gravité des accusations portées contre lui, la présence de quatre agents de la Sûreté du Québec paraît néanmoins exagérée.
Fig. 7. Le box des accusés
8 Encore plus exagéré est l’étalement de toute la preuve matérielle, dont une arme d’épaule et de gros sachets de billets de banque, sur une table en pleine salle de cour (fig. 8). D’habitude, on ne voit pas la preuve matérielle en salle de cour. Premièrement, il faut que chaque élément de preuve soit introduit en cours d’instance un par un, en demandant à un témoin s’il reconnaît telle ou telle pièce, qui est ensuite transmise au greffier qui en prend possession afin de déposer l’élément de preuve dans le dossier de la cour. Deuxièmement, au lieu des éléments matériels physiquement présents en trois dimensions, d’habitude on introduit en preuve une photo ou un croquis qui représente l’élément matériel, souvent avec une règle dans la photo aussi afin d’indiquer la taille réelle. L’avocat qui dépose l’élément en preuve fournit toujours des copies papier à l’autre avocat, soit au procureur du DPCP, soit à l’avocat de la défense, ainsi qu’au juge et au greffier. Au lieu d’une table couverte de billets de banque et un fusil, on voit typiquement des chariots chargés de gros cartables remplis de photocopies qui n’en finissent plus. D’ailleurs, le système de justice travaille actuellement à l’implantation d’un nouveau système numérique qui, on l’espère, va mettre fin à tous ces tas de photocopies d’ici quelques années, mais ce n’est toujours pas le cas en 2024, encore moins à l’époque du film en 2006 [11]. Il est normal de croiser des avocats au Palais de justice qui traînent des valises à roulettes remplies de papier derrière eux.
Fig. 8. La preuve étalée
9 Parmi les autres invraisemblances de nature juridique dans le film, le juge Véronneau croise Laurence dans un ascenseur à la sortie du procès (fig. 9). Laurence est la mère du juge, et donc la grand-mère de Juliette, mais elle est un amalgame des personnages de la mère de Juliette, de sa nourrice et du Frère Laurence dans la pièce de Shakespeare. Cette scène induit en erreur le spectateur en suggérant qu’il serait normal qu’un membre du public puisse croiser un juge en toge dans un ascenseur à la sortie d’un procès, ce qui est contraire à l’architecture et aux mesures de sécurité typiques des palais de justice au Québec. Comme on le voit justement dans l’une des scènes du procès, les juges accèdent à la salle de cour par un couloir et une porte derrière le banc du tribunal pour des raisons de décorum et de sécurité, ce qui signifie qu’ils ne se promènent pas dans les couloirs ou les ascenseurs publics en toge afin de ne pas s’exposer aux membres du public mécontents d’une décision ou aux attentats des criminels en quête de vengeance. Quelques minutes après avoir rencontré Laurence dans l’ascenseur, le juge Véronneau sort de manière précipitée dans le stationnement afin de lui parler, tout en portant toujours sa toge, comportement inapproprié de la part d’un juge pouvant mettre en danger sa sécurité.
Fig. 9. L’ascenseur
10 De même, il est invraisemblable que le juge Véronneau embauche directement François, l’ami de Juliette, comme stagiaire d’été qui travaille dans son bureau, alors qu’il n’a que dix-huit ans et n’a fait que des études au cégep, collège de deux ans entre l’école secondaire et l’université dans le système d’éducation québécois (fig. 10a-10b) [12]. Les postes de stagiaires à la cour sont très convoités par des étudiants en droit. Après le baccalauréat en droit de trois à quatre ans à l’université [13], il faut étudier ensuite à l’École du Barreau, réussir des examens et réaliser un stage de six mois avant d’être assermenté au Tableau de l’Ordre et devenir officiellement avocat [14]. Le stage auprès d’un juge est plus prestigieux qu’un stage dans un cabinet d’avocats ou dans d’autres endroits, et l’obtention d’un tel stage passe par un concours ouvert à tous les étudiants, et non pas par la connaissance familiale d’un juge. De plus, pour travailler dans un palais de justice, il faut passer une habilitation de sécurité, qui est un examen de bonne conduite effectué par les policiers qui vérifient les antécédents judiciaires du futur employé ; alors la corruption assez facile de François par les associés des motards de la famille de Roméo est irréaliste de la part d’un cégépien en techniques juridiques qui aspire à la profession d’avocat.
Fig. 10a-10b. Le stagiaire du cégep au petit déjeuner avec le juge & dans le bureau du juge
11 Finalement, encore plus invraisemblable que la corruption d’un étudiant en droit est la destitution presque instantanée d’un juge. Malheureusement, le juge Véronneau n’a pas élevé des enfants de chœur. Juliette a un frère, Étienne, qui mène la vie dure à son père. Étant un bon à rien, Étienne bascule souvent dans l’alcool, la drogue et le crime. On le voit commettre des voies de fait dans un dépanneur où il attaque un client qui s’avère être notaire (fig. 11) [15]. Le notaire envoie une mise en demeure, ce qui signifie qu’il réclame un dédommagement en réparation du préjudice subi par procédure civile, sans porter plainte au criminel [16]. Le juge Véronneau dit à Étienne qu’il a déjà payé le notaire pour régler cette affaire et Étienne répond deux fois « m’as te rembourser » [17]. Sauf les voies de fait pour lesquelles on comprend qu’il n’y a pas eu d’accusation criminelle étant donné la mise en demeure civile, il n’y a rien d’illégal dans cette affaire. Il est tout à fait normal que quelqu’un réponde à une mise en demeure en payant le montant réclamé et il est normal qu’un père paie à la place de son fils irresponsable [18].
Fig. 11. Des voies de fait au dépanneur
12 À la suite de ces événements, vers la fin du film, le juge Véronneau se trouve un beau matin dans son bureau où il apprend par les manchettes du Journal de Montréal qu’il est destitué sans explication (fig. 12). À côté du journal, la caméra montre une carte de souhaits que le juge a reçue plus tôt avec à peu près 200 $ à 300 $ en billets de 20 $ à l’intérieur de la part de son fils Étienne. On suggère ainsi que le juge a été destitué parce qu’il a reçu un pot-de-vin, mais le remboursement du paiement d’une mise en demeure n’est ni un pot-de-vin, ni illégal, encore moins lorsqu’un fils rembourse son père dans un cadre familial. Surtout, un juge n’est jamais destitué sans avertissement et sans procès. D’abord, pour un juge de la Cour supérieure comme le juge Véronneau, il aurait fallu que quelqu’un porte plainte contre lui au Conseil canadien de la magistrature (tandis que pour la Cour du Québec il aurait fallu le faire au Conseil de la magistrature du Québec) [19]. Ensuite, comme toute personne présumée innocente jusqu’à preuve du contraire, il aurait eu une audition devant le Conseil et l’occasion de se défendre, suivant le principe bien connu d’audi alteram partam, c’est-à-dire le droit d’être entendu. D’ailleurs, il y a eu récemment un cas d’un juge qui conteste sa destitution depuis 2019, qui « touche son plein salaire annuel de 383 700 $ même s’il ne siège plus » et en plus se fait « rembourser ses frais d’avocats qui s’élèvent maintenant à plus de 2,7 millions de dollars » [20]. Dans une autre affaire, un autre juge de la Cour supérieure, qui était soupçonné d’avoir acheté et consommé de la cocaïne à l’époque où il était avocat de la défense, n’a pas siégé pendant huit ans, mais il a continué de toucher son salaire annuel de 329 900 $ [21], et il n’a finalement démissionné qu’après « le rejet par la Cour suprême de sa demande d’autorisation d’appel », mais en étirant les procédures si longtemps qu’il est devenu « automatiquement admissible » à une pension de retrait « d’au moins 155 000 $ par année jusqu’à la fin de ses jours » [22]. À cause de la présomption d’innocence et du principe d’audi alteram partem, la destitution d’un juge prend normalement plusieurs années, et il est invraisemblable qu’un juge apprenne sa propre destitution par les médias.
Fig. 12. Une destitution qui fait les manchettes
13 Bref, pour résumer la représentation du système de justice québécois dans le film, comme on dit en bon québécois, « c’est pas ça pantoute ! » [23].
14 Pour revenir à Shakespeare, qu’est-ce que cette représentation hyper fictionnalisée du système de justice québécois dit sur la pièce ? On voit que les deux pères occupent une place disproportionnée dans le film par rapport à la pièce. Chez Shakespeare, il y a un conflit entre les deux familles qui est antérieur à la rencontre des jeunes amants, mais ce conflit est plutôt une histoire de fond pour expliquer la raison pour laquelle leur amour est interdit. En revanche, dans le film, les deux pères sont omniprésents. Non seulement le procès occupe une place importante dans la narration, entre autres avec Juliette qui essaie de dissuader son père de présider le procès sans lui dire la raison pour laquelle elle veut qu’il se désiste, mais aussi avec Roméo qui rend visite à son père à la prison de Bordeaux et lui dit qu’il a été un bon père et qu’il l’aime en dépit de son rôle de chef des motards.
15 De plus, ce conflit parental est dépersonnalisé davantage que chez Shakespeare. Les juges ne choisissent pas les causes sur lesquelles ils président. Le juge Véronneau est, en fait, le quatrième juge assigné au procès de Réal Lamontagne, qui a réussi par diverses manipulations à faire se désister trois juges précédents, notamment en évoquant des conflits d’intérêts et en achetant un juge avec un pot-de-vin. Ne se connaissant même pas avant le début du film, le juge et le criminel représentent plutôt le bien et le mal, et le potentiel du bien de se faire corrompre par le mal, même contre son gré, comme le film le suggère par la destitution du juge.
16 L’interdiction qui empêche Roméo et Juliette de se fréquenter est donc morale et juridique, mais pas familiale dans le sens de Shakespeare. Il s’agit surtout d’un conflit d’intérêts en vertu du principe que non seulement il faut que justice soit faite, mais surtout il faut qu’il y ait apparence de justice en tout temps. Que la fille d’un juge fréquente le fils d’un criminel n’est pas en soi interdit par la loi, mais il donne lieu à une apparence de conflit d’intérêts aux yeux de la société, même si au moment du procès les deux pères n’en sont nullement au courant. D’ailleurs, voici un argument que le juge Véronneau aurait pu sûrement plaider devant le Conseil canadien de la magistrature pour contester sa destitution, n’eût été le raccourci que prend le film pour éliminer l’occasion de se faire entendre, comme c’est son droit.
17 Ce n’est qu’à la toute fin que le film met en scène réellement l’élément familial du conflit que l’on voit chez Shakespeare lorsque les deux pères se rencontrent au sépulcre pour mélanger les cendres de leurs enfants dans la même urne (fig. 13). Comme on le voit, Véronneau n’est plus juge et Lamontagne, bien que condamné, est libéré temporairement pour assister aux funérailles, comme le permet d’habitude la Commission québécoise des libérations conditionnelles à des fins humanitaires [24], ce qui explique la raison pour laquelle il est habillé en citoyen et non pas en tenue de prisonnier, mais sous garde.
Fig. 13. Le juge et le chef des motards au sépulcre
18 En conclusion, l’adaptation Roméo et Juliette d’Yves Desgagnés fictionnalise le système de justice québécois à un tel point qu’un juriste y verrait une distorsion flagrante des principes de base, allant à l’encontre même du concept de la justice. L’effet de cette fictionnalisation est de détourner le regard du couple Roméo et Juliette vers l’incarnation des deux pères en représentions du bien et du mal. Certes simple, voire moralisatrice, comme approche, cette adaptation est quand même rafraîchissante dans sa tentative de faire autre chose qu’une énième histoire d’amour d’adolescents.
Notes
1. Voir la fiche synthèse du film à « Roméo et Juliette. Dir. Yves Desgagnés (2006) » in Patricia Dorval & Nathalie Vienne-Guerrin (éd.), Shakespeare on Screen in Francophonia, Montpellier (France), IRCL, Université Paul-Valéry Montpellier 3 (https://shakscreen.org/films/romeo_et_juliette_desgagnes/).
2. « Guerre des motards au Québec », Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_motards_au_Qu%C3%A9bec) et « Maurice Boucher », Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Boucher). Voir aussi Caroline Touzin, « Guerre des motards : survivre à 17 ans de cauchemar », La Presse, 13 juillet 2014 (https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/affaires-criminelles/201407/11/01-4783236-guerre-des-motards-survivre-a-17-ans-de-cauchemar.php).
3. « Le système judiciaire québécois », Éducaloi (https://educaloi.qc.ca/capsules/le-systeme-judiciaire-quebecois/).
4. Plus précisément, la Cour supérieure a compétence pour entendre les causes civiles dont la valeur est de 100 000 $ ou plus, la Cour du Québec a compétence pour les causes dont la valeur est inférieure à 75 000 $, et la Cour supérieure et la Cour du Québec ont compétence concurrente pour les causes entre 75 000 $ et 100 000 $. Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 35 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-25.01).
5. Cette phrase est une simplification importante de la procédure criminelle au Canada dans le but de faciliter la comparaison avec le système de justice de la France. Elle ne tient pas compte de plusieurs nuances importantes, notamment le nombre important d’infractions hybrides qui peuvent être poursuivies par infraction sommaire ou par mise en accusation d’un acte criminel, le choix de l’accusé d’être jugé par un juge de la Cour du Québec ou de la Cour supérieure, le choix d’un procès avec ou sans jury et la tenue ou non d’une enquête préliminaire. Voir notamment, Code criminel, LRC (1985), c. C-46, art. 235, 273, 469, 536(2), 553 et 798 (https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-46/TexteComplet.html).
6. On voit le rôle crucial des juges d’instruction dans l’évaluation à charge et à décharge en France dans la série Netflix « Outreau : Un cauchemar français » (https://www.netflix.com/).
7. Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16, art. 87 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/T-16).
8. Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16, art. 88 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/T-16).
9. Loi constitutionnelle de 1867, art. 96, 98 (https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/const/TexteComplet.html).
10. Caroline Touzin, « Exclusif : des rénovations de 3,9 millions au Centre judiciaire Gouin », La Presse, 24 juin 2009 (https://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/200906/24/01-878404-exclusif-des-renovations-de-39-millions-au-centre-judiciaire-gouin.php).
11. Voir « Greffe numérique judiciaire du Québec : Exclusions et inclusions » (https://lexius-gnjq.justice.gouv.qc.ca/fr/Procedures/Procedure/Exclusions), le système en place depuis le 15 juin 2020 selon le communiqué « Pandémie de la COVID-19 - Lancement du Greffe numérique judiciaire du Québec » (https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/pandemie-de-la-covid-19-lancement-du-greffe-numerique-judiciaire-du-quebec), et le nouveau projet Lexius (https://justice.gouv.qc.ca/espace-professionnel/lexius), qui depuis le 24 avril 2023 selon le communiqué « LEXIUS - Nouveaux services judiciaires numériques pour les procédures non contentieuses » (https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/lexius-nouveaux-services-judiciaires-numeriques-pour-les-procedures-non-contentieuses-47302) est en place pour les procédures non contentieuses, mais pas encore pour les procédures contentieuses en date de septembre 2024.
12. « Techniques juridiques », Cégeps du Québec (https://www.cegepsquebec.ca/nos-programmes-detudes/repertoire-des-programmes/techniques-juridiques/).
13. « Conditions d’admission », École du Barreau (https://www.ecoledubarreau.qc.ca/etudiants/admission-et-inscription/conditions-dadmission/).
14. « Stage – Le programme », École du Barreau (https://www.ecoledubarreau.qc.ca/etudiants/programme/stage/).
15. Un « dépanneur » est « un petit magasin d’alimentation dans lequel on trouve tout pour dépanner pour les nécessités de la vie quotidienne ». Voir le Dictionnaire québécois (https://www.dictionnaire-quebecois.com/definitions-d.html).
16. Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 1594 al. 2, 1595 et 1457 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/CCQ-1991).
17. « M’as » est « une contraction très courante dans le langage populaire québécois » qui signifie « je vais ». Voir le Dictionnaire québécois (https://www.dictionnaire-quebecois.com/definitions-m.html).
18. Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 1555, 1459 et 1660 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/CCQ-1991).
19. « Procédures d’examen des plaintes », Conseil canadien de la magistrature (https://cjc-ccm.ca/fr/ce-que-nous-faisons/procedures-dexamen-des-plaintes) et « Porter plainte : Comment? », Conseil de la magistrature du Québec (https://conseildelamagistrature.qc.ca/porter-plainte/comment).
20. Sarah-Maude Lefebvre, « Un juge du Québec qui a coûté 4 millions $ aux contribuables s’accroche à son poste », Le Journal de Montréal, 5 juin 2024 (https://www.journaldemontreal.com/2024/06/05/un-juge-du-quebec-qui-a-coute-4-millions-de-dollars-aux-contribuables-saccroche-a-son-poste).
21. Marc Godbout, « Un juge, de la cocaïne et des millions facturés aux Canadiens », Radio-Canada, 12 décembre 2019 (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1429389/michel-girouard-cour-superieure-juge-cocaine-reforme-millions-canada).
22. « Menacé de destitution, le juge Michel Girouard démissionne », Radio-Canada, 25 février 2021 (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1773272/cour-supreme-rejette-demande-autorisation-appel-juge-michel-girouard).
23. « Pantoute » est une expression « typiquement québécoise qui ponctue souvent un discours » et qui signifie « pas du tout ». Voir le Dictionnaire québécois (https://www.dictionnaire-quebecois.com/definitions-p.html).
24. Loi sur le système correctionnel du Québec, RLRQ, c. S-40.1, art. 49 et 51 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/s-40.1).
Filmographie
« Outreau : Un cauchemar français », Netflix (https://www.netflix.com/).
Roméo et Juliette, réal. Yves Desgagnés, 2006.
Bibliographie
- Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 1457, 1459, 1555, 1594 al. 2, 1595 et 1660 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/CCQ-1991).
- Code criminel, LRC (1985), c. C-46, art. 235, 273, 469, 536(2), 553 et 798 (https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-46/TexteComplet.html).
- Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 35 (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-25.01).
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- Dictionnaire québécois (https://www.dictionnaire-quebecois.com/).
- GODBOUT, Marc, « Un juge, de la cocaïne et des millions facturés aux Canadiens », Radio-Canada, 12 décembre 2019 (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1429389/michel-girouard-cour-superieure-juge-cocaine-reforme-millions-canada).
- « Greffe numérique judiciaire du Québec : Exclusions et inclusions », Gouvernement du Québec (https://lexius-gnjq.justice.gouv.qc.ca/fr/Procedures/Procedure/Exclusions).
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- LEFEBVRE, Sarah-Maude, « Un juge du Québec qui a coûté 4 millions $ aux contribuables s’accroche à son poste », Le Journal de Montréal, 5 juin 2024 (https://www.journaldemontreal.com/2024/06/05/un-juge-du-quebec-qui-a-coute-4-millions-de-dollars-aux-contribuables-saccroche-a-son-poste).
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- « Maurice Boucher », Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Boucher).
- « Menacé de destitution, le juge Michel Girouard démissionne », Radio-Canada, 25 février 2021 (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1773272/cour-supreme-rejette-demande-autorisation-appel-juge-michel-girouard).
- « Pandémie de la COVID-19 - Lancement du Greffe numérique judiciaire du Québec », Gouvernement du Québec, 15 juin 2020 (https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/pandemie-de-la-covid-19-lancement-du-greffe-numerique-judiciaire-du-quebec).
- « Porter plainte : Comment ? », Conseil de la magistrature du Québec (https://conseildelamagistrature.qc.ca/porter-plainte/comment).
- « Procédures d’examen des plaintes », Conseil canadien de la magistrature (https://cjc-ccm.ca/fr/ce-que-nous-faisons/procedures-dexamen-des-plaintes).
- « Roméo et Juliette. Dir. Yves Desgagnés (2006) », in Patricia Dorval & Nathalie Vienne-Guerrin (éd.), Shakespeare on Screen in Francophonia, Montpellier (France), IRCL, Université Paul-Valéry Montpellier 3, (https://shakscreen.org/films/romeo_et_juliette_desgagnes/).
- « Stage – Le programme », École du Barreau (https://www.ecoledubarreau.qc.ca/etudiants/programme/stage/).
- « Techniques juridiques », Cégeps du Québec (https://www.cegepsquebec.ca/nos-programmes-detudes/repertoire-des-programmes/techniques-juridiques/).
- TOUZIN, Caroline, « Exclusif: des rénovations de 3,9 millions au Centre judiciaire Gouin », La Presse, 24 juin 2009 (https://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/200906/24/01-878404-exclusif-des-renovations-de-39-millions-au-centre-judiciaire-gouin.php).
- — , « Guerre des motards : survivre à 17 ans de cauchemar », La Presse, 13 juillet 2014 (https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/affaires-criminelles/201407/11/01-4783236-guerre-des-motards-survivre-a-17-ans-de-cauchemar.php).
Référencement
DROUIN, Jennifer, « La fictionnalisation du système de justice québécois dans Roméo et Juliette d’Yves Desgagnés », in Shakespeare on Screen in Francophonia : The Shakscreen Collection 6, éd. Patricia Dorval & Nathalie Vienne-Guerrin, Montpellier (France), IRCL, Université Paul-Valéry Montpellier 3, 2024 (http://shakscreen.org/analysis/drouin_2024/).
Contributed by Jennifer DROUIN
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