Code inconnu. Dir. Michael Haneke (2000)

Frédéric DELORD

English Description

Time code: 1.07.20 – 1.09.35

Language of the quotation(s)/reference(s) in the film: French

The film takes place in present-day Paris. Characters meet or just pass each other without necessarily speaking to one another or understanding one another. Each one has a different, singular journey. The film is composed of long takes in which the action starts in medias res and stops abruptly, so that the viewer only sees the stories in snatches. The kaleidoscopic form of the film highlights the difficulties of communication and extending understanding to the other.

One of the main characters, Anne, is an actress, which enables the director to play with the borders between reality and fiction. Her scenes are never properly introduced or contextualized: Anne often appears in situations which seem “real” before it is made clear that she is really rehearsing or dubbing a scene.

The scene in which Shakespeare is quoted is shot in a theatre and takes place on a stage, filmed at a distance, from the back of a nearly empty room. Anne is either rehearsing or auditioning. Though the title of the play is never mentioned, the scene is clearly taken from Twelfth Night's Act III, Scene 2, when Maria describes Malvolio’s cross-gartered yellow stockings. The translation used is not credited at the end of the film. In the play, the scene is actually a dialogue, but it is transformed here into a soliloquy of sorts. To respect these variations, the DVD English subtitles adapt and modernize Shakespeare’s text:

ANNE (laughing): If you… if you desire the spleen (she laughs) and will laugh yourself... into stitches, follow me. (She laughs) That gull Malvolio has come to court my Lady… (she laughs)… in yellow stockings, (she laughs) cross-gartered… (she laughs) most villainously. I have dogged him like his murderer. He obeys every point of the letter. He does smile his face into more lines than is in the new map with the augmentation of the Indies. You never saw such a thing. I can hardly forbear hurling things at him. (She coughs) I know my lady will… strike him. (She laughs) If she do, (she laughs) he'll smile and take it for a great favour. (Twelfth Night III.2.64-5, 68-79, The Oxford Shakespeare)

Once her scene is over, Anne calms down after laughing loudly and enthusiastically. The two or three people watching her do not react or talk to her and seem to be whispering to each other. She then puts her hand on her forehead, in order not to be dazzled by the light, and says: “Is anyone there?”

 


Description en français

Localisation dans le film : 1.07.20 – 1.09.35

Langue de la citation/référence dans le film : français

Paris, de nos jours. Différents personnages se croisent, sans forcément se parler, ou se comprendre. La caméra va suivre leur parcours, individuellement. Le film est composé d’une succession de longs plans séquences, parfois pris en cours, in medias res, et avortés, si bien que l’on ne voit souvent les scènes que par bribes. Cette forme kaléidoscopique fait état de la difficulté de communiquer, et de l’effort que comprendre autrui implique.

Un des personnages principaux, Anne, est actrice. La profession d’Anne, associée à la forme même du film (qui n’explique, ne contextualise, ni n’introduit aucune situation) permet de jouer sur la frontière entre réalité et fiction, comme Truffaut l’a fait dans Le Dernier métro ou La Nuit américaine. À plusieurs reprises, on croit voir Anne en situation « réelle » pour finalement comprendre qu’elle est en train de répéter une scène, la tourner, ou la post-synchroniser.

La scène qui nous occupe montre Anne sur une scène de théâtre, filmée de très loin, depuis le fond de la salle (pour ainsi dire vide), par une caméra immobile, durant un plan séquence de deux minutes. On comprend ici assez vite que nous sommes en situation de répétition ou d’audition. Le titre de la pièce de laquelle la scène jouée est issue, en revanche, n’est jamais prononcé. Il s’agit d’une tirade (légèrement modifiée) de Maria dans Twelfth Night (Acte 3 scène 2). On peut aisément reconnaître la pièce si on l’a en tête cependant, grâce aux références à « Malvolio » et aux « jarretières jaunes et croisées ». Le générique de fin ne crédite pas la traduction utilisée. Il est intéressant de noter que pour coller aux variations de la traduction française, les sous-titres anglais du DVD ne redonnent pas exactement le texte original :

ANNE : (Rires d’Anne) Si vous voulez… si vous voulez vous dilater la rate, (rires) et rire… à en avoir mal aux côtes, suivez-moi. (Rires) Ce gobe-mouche de Malvolio vient de descendre faire sa cour à Madame … (rires prolongés) … en jarretières jaunes… (rires) en jarretières croisées… (rires) et de la manière la plus grotesque. Je l’ai suivi d’aussi prêt que si j’avais voulu l’assassiner. Il sourit tellement qu’il y a… qu’il y a autant de plis sur son visage que sur la nouvelle mappemonde augmentée de la carte des Indes. Vous n’avez jamais rien vu de pareil. Mais j’ai dû me tenir la carpe pour ne pas éclater. (Toux) Je suis sûre que Madame va le… gifler. (Rires) Si elle le fait (rires) il est capable de sourire de plus belle, et de prendre cela pour un excellent signe. (La Nuit des rois III.2.64-5; 68-79, The Oxford Shakespeare)

Long silence, l’hilarité d’Anne se calme. Pas de réaction dans la salle. Elle se met la main devant le visage pour ne pas être éblouie par le projecteur, afin de voir au fond de la salle, puis dit : « Y’a quelqu’un peut-être ? ».

Le film propose lui-même plusieurs lettres en voix-off, tout en ayant pour propos de souligner l’obscurité de certains codes, ainsi que le mépris de catégories ou classes de personnes envers d’autres : on peut dire alors que cette courte scène de La Nuit des Rois fait écho aux problématiques du film, dont celle de la surdité, quelle soit symbolique ou réelle. Un des personnages du film, une mendiante qui envoie les recettes de son aumône à sa famille restée en Roumanie, son pays d’origine, s’appelle Maria.

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